Articles

STRATÉGIE TOURISTIQUE DU BHOUTAN ET TOURISME DURABLE DANS LES ALPES.

Bhutan Dochula Festival - source : www.drukasia.com/
Bhutan Dochula Festival – source : www.drukasia.com/

Le Bhoutan est une petite royauté de 800’000 habitants, situé dans l’Est de la chaîne de l’Himalaya, enclavé entre l’Inde au sud, à l’est et à l’ouest-sud-ouest et la Chine. Ce Royaume a la particularité d’avoir promu une mesure du bien être de sa population : le  Bonheur National Brut ou BNB et de recevoir 274’097 visiteurs en 2018.[1].

En juin 2019, l’Organisation mondiale du tourisme (UNWTO) a tenu une conférence[2] dans ce pays afin de faire le point du développement touristique de la région asiatique, le Royaume du Bhoutan étant particulièrement soucieux de conserver ses valeurs et son attrait. Le thème des échanges était la définition d’une stratégie de tourisme durable. Ou pour conserver l’esprit anglophone de la conférence : « integration of Sustainable Consumption and Production patterns (SCP) Into tourism policies ». Les conclusions de ce colloque m’apparaissent intéressantes à plus d’un titre pour devenir une source d’inspiration pour la définition de stratégies touristiques dans nos environnements alpins si fragiles et j’écris ces lignes en pensant particulièrement à notre belle ville d’Annecy.

Les participants ont dans un premier temps rappelé la définition du tourisme en insistant sur le fait que cette industrie concerne avant tout les habitants et les territoires ainsi que les interactions qui peuvent exister entre les deux. Une stratégie de tourisme durable suppose donc que les interactions entre les acteurs (touristes et locaux) ne reposent pas uniquement sur une production  de services et d’argent,  mais également sur un respect mutuel et un partage de la responsabilité de la protection des us et coutumes des locaux, de la destination et de son environnement.

Dans ce pays comme dans les pays de Savoie, le tourisme est une source de revenus non négligeable et, dans le cas du Bhoutan, il est en pleine expansion.

Les participants, pour la plupart des dirigeants du tourisme des pays de la région, ont recommandé en conclusion de leurs réflexions sous l’égide de l’ UNWTO  que des mesures d’impacts, positifs et négatifs, soient régulièrement entreprises ; l’objectif étant d’adapter les stratégies afin d’assurer à la population locale les principaux bénéfices.

Alors qu’une liste de candidats aux élections municipales envisage qu’une « charte d’excellence pour un tourisme responsable »[3] soit proposée aux socioprofessionnels du secteur, il pourrait être utile de s’inspirer des recommandations de l’Organisation mondiale du tourisme (UNWTO). Une approche reposant sur 17 indicateurs de « Sustainable Development Goals » (SDG) pour mesurer les objectifs en ce domaine est proposée par cette ONG. Le tourisme est plus particulièrement concerné par les objectifs N°12 « Responsible Consumption and Production » (RCP) comprenant l’analyse des effets en termes de consommation d’énergie, d’eau, de production de déchets, de gestion de la biodiversité et des effets sur l’emploi et la qualité de vie de la population locale à l’image du Bhoutan.

[1] https://www.tourism.gov.bt/uploads/attachment_files/tcb_xx8r_BTM%202018%20_final.pdf

[2] https://www.e-unwto.org/doi/pdf/10.18111/9789284421312

[3] https://www.reveillonsannecy.fr/programme/economie/

QUELLE MOBILISATION GÉNÉRALE POUR SAUVER LES MASSIFS FACE AU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE ?

COGNE Pistes de ski de fond à quelques jours des championnats du monde 210119

Pistes de ski de fond de Cogne (IT) a quelques jours des championnats du Monde (21/1/19) © jc morand

Je lis ces derniers jours que les remontées de Mijoux (Ain) ne fonctionneront que 50 jours sur les 100 de la saison et que le président des domaines skiables de France a lancé un appel aux acteurs de la montagne, leur demandant de mutualiser les financements pour sauver les massifs des ravages du changement climatique. Effectivement, les gains des nombreuses activités annexes (VTT, parapente, trail, concerts en altitude…) développées au cours des deux dernières décennies ne suffisent pas à combler le manque de recettes durant l’hiver pour maintenir un flux de touristes qui permettraient aux hôteliers et autres prestataires de survivre dans les stations de basse altitude. Seuls les climato-sceptiques ne sauront reconnaitre l’impact du réchauffement climatique sur les massifs alpins.

Le phénomène n’est pourtant pas nouveau, l’hiver 1989/90 a été marqué par un manque de neige si important que de nombreuses sociétés de remontées mécaniques ont dû se recapitaliser pour affronter les hivers suivants. Cela a été le cas pour la SATELC (La Clusaz) pour laquelle nous avons dû faire preuve d’ingéniosité pour assurer la transition vers des hivers mieux dotés en neige. J’étais alors élu au Conseil municipal de cette station, en charge des finances. Tous les leviers ont été actionnés y compris l’augmentation des impôts locaux pour boucher le trou financier. Depuis cette date, le prix du forfait journalier a aussi pris l’ascenseur notamment pour améliorer en permanence la qualité des pistes et financer la fabrication de la neige de culture. La gestion de l’eau s’est imposée comme une priorité. En cela, l’appel à la mobilisation générale est légitime.

Mais plus importants que les aspects financiers, nous avions conduit une réflexion sociologique afin de déterminer quels modèles économiques pourraient être imaginés si l’or blanc venait à disparaître. C’est ainsi que nous avons organisé un symposium « Neige et Climat » en septembre 1994 sous l’égide du professeur Bailly de l’Université de Genève. J’en étais le secrétaire général et j’ai eu le plaisir d’accueillir 32 scientifiques qui tiraient déjà – pas assez fort – la sonnette d’alarme pour inciter les stations de moyenne montagne à chercher d’autres modèles économiques. Ce que nous avons fait à La Clusaz, mais nous nous sommes heurtés à presque un siècle d’habitudes et d’expertise dans le domaine de la glisse. Alors autant dire que les idées novatrices ont vite rejoint les archives, les premiers flocons revenus les saisons suivantes.

L’une des approches étudiée n’était pas liée au flux touristique (in-coming) car il s’agissait d’exporter le savoir-faire des acteurs locaux en matière de restauration. Le dossier d’étude, bien que financé par le Ministère du Tourisme, n’a malheureusement pas vu le jour à mon grand regret.  Aujourd’hui, j’observe que de nombreuses entreprises du pôle OSV naissent et se développent à proximité des pistes. Pour n’en prendre qu’une, je mentionnerai Hästko dont l’objectif et de concevoir et vendre des vêtements techniques pour les cavaliers. On est loin de la poudreuse me direz-vous ! Certes, mais leur activité de conception et de mise en marché permet de créer des emplois dans la vallée de Chamonix tout en étant à un clic des clients. Les usines, comme beaucoup d’autres resteront en Asie ou dans les pays de l’Est.  Je pense aussi aux nombreux meublés de tourisme dont le taux d’occupation est faible alors que les étudiants des villes universitaires se saignent pour trouver des colocations à proximité des amphithéâtres. Pourquoi encore les réunir en mode présentiel alors que les communications à très haut débit permettent un enseignement à distance ? Le MBA de l’Ecole Hôtelière de Lausanne, requiert ainsi que 20 % de présence, le 80 % du transfert de connaissance se faisant en ligne. Alors pourquoi ne localiserions-nous pas ce type de formation dans les stations de montagne ?

De fait, je pense qu’une grande partie des activités tertiaires pourraient être localisées aux pieds des pistes. Le Conseil général de la Haute-Savoie avait lancé une campagne de promotion en utilisant cette thématique.

Alors, même si sans argent les opportunités de développement ne sont pas aussi attractives, je préconise que les acteurs des stations doivent sortir de leur carcan des sports d’hiver et imaginer d’autres modèles économiques pour assurer la survie des villages alpins. 

Tout cela pour émettre la thèse que le numérique permet une décentralisation des emplois dans les lieux les plus reculés de la Planète y compris dans nos stations de montagne. La principale difficulté n’étant pas le financement, mais la volonté des acteurs locaux d’imaginer d’autres manières de générer des emplois.