La fibre optique = un service public concédé

Mots clés Technorati : fibre optique, service public, billaut, felten, ARCEP

Après avoir visionné la vidéo de l’interview de Benoît FELTEN par Jean-Michel BILLAUT, j’ai envie d’apporter non seulement mon soutien à cette vision de potentiel de la fibre optique, mais aussi d’ajouter une épine dans un buisson alimenté d’ores et déjà de 45’000 plaintes auprès de la Direction de la concurrence et des prix.

Sans avoir l’expertise technique de Benoît Felten, je considère que la fibre et surtout la possibilité d’obtenir des débits de 100 Mo/s, représente une réelle opportunité pour les entités qui pourraient en bénéficier. Habitant Annecy, ville pilote pour le déploiement de la fibre optique, j’ai opté dès février 1997 pour ce système de transmission des données. Depuis 10 ans j’ai le plaisir d’avoir pu bénéficier de débits très variables. Doté d’une IP fixe et d’un premier contrat de 2 Mbs (en 97), autant vous dire que les révisions à la baisse se sont succédées sans même avoir été consulté voir averti le plus souvent. Même si les débits, dans une grande majorité des cas, étaient plus ou moins conformes à ceux annoncés, les épines ne sont pas dans la technologie, mais dans la qualité de la mise en œuvre de celle-ci. 45000 plaintes enregistrées par la Direction de la Concurrence et des prix… sans compter tous les abonnés plus ou moins silencieux qui n’ont pas franchis ce pas et qui supportent de plus en plus mal les absurdités des réponses d’une hotline impuissante. A titre d’exemple, si je me défoule sur mon clavier cet après-midi, c’est en grande partie parce que mon degré d’exaspération est au maximum. J’ai actuellement un contrat qui est supposé délivrer jusqu’à 30 Mo/s à mon domicile. En fait, il apparaît que les débits des serveurs locaux ne puissent dépasser 4 ou 5 Mo/s ce qui est à mon sens une forme de publicité mensongère… mais soit ! Avec 4 Mo/s on peut déjà se faire plaisir, avoir des communications audio avec des collègues à l’autre bout de la Planète sans dépenser un cent de plus. Mais voilà, depuis une quinzaine de jours le débit tombe à en dessous de 100 ko/s, il y a deux heures je n’avais que 27 ko/s soit 10’000 fois moins que ce qui est annoncé dans le contrat !! Alors, j’oublie les mises à jour de logiciels en téléchargement ou simplement la recherche documentaire pour les livres que j’écris. Car mettre tous les internautes dans le même groupe que les bandits qui téléchargeraient de la musique illégale est une vue tronquée et fallacieuse du surf sur Internet. C’est un lobbying destructif pour détourner l’opinion publique de l’intérêt du très haut débit. Seule Madame Michu peut y croire. Pas les Geeks ! J’ai 58 ans, je ne télécharge pas de musique, mais Internet, que j’utilise depuis 1987, est un outil à part entière d’éducation, de veille et une fantastique opportunité de transporter d’un bout à l’autre de la Terre tout ce qui peut se transformer en bits. En cela je suis un adepte de la théorie de Nicolas Negroponte du MIT qui affirme toujours que l’on doit déplacer les atomes pas les bits. Alors, ce qui me met hors de moi, c’est d’entendre une voix d’un pauvre bougre, employé d’un call center facturé à 34cts la minute, impuissant me demandant de désinstaller et réinstaller mon système alors que mon voisin, comme moi, rame à 28 Kbs soit deux fois moins qu’un vieux modem 56Kbps.

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Test de bande passante réalisé à Annecy le 11 août à 14h17

Le traceroute que j’obtiens avec mon logiciel d’analyse du réseau (Pingplotter) démontre un grand nombre de « packet loss » sur plusieurs points du réseau de mon opérateur. Bien entendu les temps de réponse de toutes les machines augmentent au point de perturber les plus patientes des applications. Lorsque qu’après une semaine d’attente le technicien local intervient et constate, comme nous que les équipements locaux ne sont en rien responsables de problèmes de lenteurs ma frustration elle augmente.

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Je vois cependant deux petites lueurs d’espoir avec deux actions de l’ARCEP. La première toute récente n’est qu’une recommandation pour introduire un peu plus d’équitabilité dans les contrats avec les FAI.[1]. J’irai encore un peu plus loin du point de vue technique en proposant, comme pour les contrats d’entreprise, de garantir une prestation sous forme de SLA (Service Level Agreement) qui prendrait en compte non pas les vitesses de transmission en upload/download, mais les temps de réponse maximums des machines (serveurs/routeurs/firewalls) gérés par le FAI. Il me semble ainsi normal d’avoir un taux de réponse inférieur à 15 millisecondes pour toutes les machines situées en Europe, ceci avec un pourcentage de « packet loss » à zéro. Dans le cas que je vis actuellement, une IP démontre depuis 3 semaines un taux de perte supérieur à 70% ce qui a pour corollaire de faire chuter la vitesse. Mais les opérateurs de la hotline, n’ont semble t’il pas accès à ces données et dans la grande majorité des cas, n’ont pas les connaissances ou l’autorité pour écouter le consommateur que je suis pour rechercher une solution qui, j’en suis certain, améliorerai la qualité du service et surtout la perception de ce niveau de qualité. En agissant, sur le niveau de perception les dirigeants de la société d’exploitation du réseau câblé augmenteraient ainsi l’attractivité de ce vecteur et donc le nombre de prises raccordées…donc la rentabilité de l’infrastructure utilisée….Mais comme souvent le coût de celle-ci n’est pas dans leur bilan alors ce n’est pas une priorité. Ceci m’amène à la deuxième lueur d’espoir que j’entrevois, toujours à l’initiative des experts de l’ARCEP. Il s’agit de la mise en concession du sous-sol des villes[2] [3] et à la mutualisation des réseaux disponibles ou à venir[4]. En effet, tour comme l’évoque Benoît Felten, cette infrastructure optique est à mes yeux un service public qui apporte une réelle valeur ajoutée non seulement aux ados qui jouent en réseau ou téléchargent des vidéos de Dailymotion, de Youtube ou celles de JM Billaut sur son blog, mais aussi aux entreprises qui transmettent des bons à tirer, aux professeurs et chercheurs qui accèdent à des documents de recherche de plus en plus volumineux, aux services d’assistance qui peuvent apporter des conseils en ligne, aux malades qui pourraient dialoguer par vidéoconférence avec leur médecin.

Aux excellents arguments juridiques développés dans le rapport Conseiller d’Etat, Emmanuel Glaser, pour le compte de l’ARCEP je souhaite que la défaillance des modèles économiques actuels soit prise en compte par le législateur. Pourriez-vous concevoir de rouler sur l’A7 en ce week-end du 15 août et apprendre à mi-chemin que l’autoroute est coupée que les embouteillages soient immenses et que personne ne puisse vous répondre pour vous donner une indication de l’origine du problème ou de la date probable de remise en service ? C’est pourtant une situation analogue que l’on vit sur les autoroutes de l’information. Alors, en qualité de citoyen que je suis, j’attends que le législateur impose des conditions d’exploitation strictes aux sociétés exploitantes du bien public et introduise des mesures de la performance dans les contrats puisque celles-ci n’ont pas démontré en plus de 10 ans leur capacité à satisfaire les attentes de la clientèle. Faut-il, ici préciser que mes attentes ne sont pas essentiellement d’ordre technologique, car il est tout à fait compréhensible que le débit d’un réseau soit limité et que des pannes puissent être observées. Mais, j’accepte de plus en plus difficilement l’absence d’information et le mensonge organisé. Car lorsque tous vos voisins sont plantés et que le préposé du pseudo service client vous certifie avec arrogance que tout va bien sur le réseau on ne peut que se poser des questions quant à la fiabilité du service.

En cela, l’application de la loi du 9 juillet 2004 n’est qu’un premier pas qui doit permettre de concevoir de nouveaux modèles d’entreprise.

Car pour finir sur une touche beaucoup plus optimiste ce long billet je suis convaincu qu’un accès généralisé à 100 Mo/s permettra une meilleure répartition des ressources sur le territoire national, donnera la possibilité aux PME de pouvoir établir les bases de fructueux contrats d’exportation beaucoup plus facilement avec des partenaires très éloignés de leur base. En assumant que le chiffre de 12 milliards d’Euros avancé par Benoît FELTEN pour équiper le territoire soit exact, il doit être rapproché du déficit commercial de la France qui a été de 15 milliards pour le premier semestre 2007[5]. Certes, le coût du pétrole et le taux de change de notre monnaie peuvent être invoqués, mais les solutions peuvent être aussi plus novatrices. L’une d’entre-elles est d’avoir un service public de la fibre optique afin que nous puissions enfin pouvoir utiliser de la vidéo interactive avec Skype ou un autre système, être en mesure de pouvoir envoyer un dossier digitalisé sans attendre des heures.

Jean-Claude MORAND


[1] Voir http://www.finances.gouv.fr/clauses_abusives/recom/07r01.htm

[2]http://www.lagazettedescommunes.com/actualite/pdf/noosnumericable.pdf

[3] Voir aussi le rapport Glaser et http://www.arcep.fr/index.php?id=8571&tx_gsactualite_pi1%5buid%5d=960&tx_gsactualite_pi1%5bbackID%5d=1&cHash=f7620fe789

[4]http://www.arcep.fr/index.php?id=8571&tx_gsactualite_pi1%5buid%5d=964&tx_gsactualite_pi1%5bannee%5d=&tx_gsactualite_pi1%5btheme%5d=&tx_gsactualite_pi1%5bmotscle%5d=&tx_gsactualite_pi1%5bbackID%5d=26&cHash=69dda645c6

[5]http://www.latribune.fr/info/Le-deficit-commercial-francais-se-creuse-de-deux-milliards-au-premier-semestre-~-ID43ACB1CA6A378B56C12573310027235E

(C) Jean-Claude MORAND
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