CR Journée “e-Tourisme” à Tunis–29 octobre 2010

J’avais déjà eu le plaisir de présenter en novembre 2006 les concepts du Web 2.0 à une audience d’experts ; je viens de retrouver le même niveau d’expertise lors de la 1ère journée « e-Tourisme » organisée par DOTIT en collaboration avec l’Office National du Tourisme Tunisien (ONTT), la Fédération Tunisienne des Hôteliers (FTH) et la Fédération Tunisienne des Agences de Voyages. Environ 80 personnes ont répondu à l’appel des organisateurs dont une quinzaine de journalistes pour couvrir l’évènement car les Tunisiens se posent beaucoup de questions en ce qui concerne l’évolution de l’industrie touristique dans leur pays. Le tourisme représentait environ 1.5 milliard d’euros en 2007 pour 6.8 millions de visiteurs, presque autant que la Suisse. Mais la crise en Europe a laissé des traces dans les comptes d’exploitation des hôtels ce qui a amené les dirigeants de l’ONTT a engager une réflexion en profondeur. Le Ministre du Tourisme a ainsi élaboré une stratégie articulée autour de 5 axes :

1. Diversification et innovation de l’offre
2. Promotion et marketing
3. Réorganisation du dispositif institutionnel
4. Restructuration financière du secteur

5. Création d’un tourisme « web-compatible » qui comprendrait la création de sites web promoteurs, la mise en place d’une e-gouvernance, la formation en e-Tourisme et la promotion de la destination sur Internet.


Habib AMMAR Directeur de l’ONTT ouvre la journée. A gauche : Khalil ZAHOUANI, DG de DOTIT – A droite Oussama MESSAOUD, Executive Manager DOTIT
Autant dire que mes propos ont été écoutés avec beaucoup d’attention, même s’il s’agissait simplement d’une présentation de quelques concepts novateurs. J’ai pu observer que de nombreux participants prenaient beaucoup de notes et leurs questions, voir les témoignages de certains me laissent penser que mon intervention a suscité quelques réflexions. J’étais là pour cela !
La grande majorité des chaînes hôtelières du pays était représentée, des dirigeants mais aussi plusieurs « community managers » très au fait des techniques actuelles d’animation et de génération de prospects grâce aux réseaux sociaux. Certains ont annoncé des chiffres intéressants en ce qui concerne les réservations obtenues par Facebook. Plusieurs ont d’ores et déjà configuré des pages avec FBML c’est-à-dire des minisites permettant de mieux mettre en valeur leurs établissements ou activités (le golf par exemple).

Vue partielle de l’audience
Deux doctorantes ont choisi de faire leur thèse sur l’e-Tourisme avec un plan de recherche attractif.
Je rentre donc de Tunis avec une fois de plus l’impression, que les professionnels du tourisme tunisien sont au moins aussi pro que ceux que j’ai fréquenté en France et en Suisse au-delà de nos grands opérateurs (Voyages-SNCF, Accor,…). Avantage supplémentaire dans ce contexte de changements importants à initier, la Tunisie a un processus de décision très centralisé, ce qui permet à ce pays de mobiliser des ressources financières et humaines importantes pour assurer sa présence en ligne contrairement à beaucoup de pays européens où il y a autant d’OT que de chapelles. Si en plus, l’ONTT prend comme au Québec, la décision stratégique d’affecter une part importante de son budget de promotion (~20 millions d’euros actuellement) à la promotion en ligne et à la création d’un « tourisme web-compatible » alors ils deviendront un des leaders du e-Tourisme mondial.
(C) Jean-Claude MORAND

Le futur du e-Tourisme passe par l’adoption de standards XML.

Claude BOUMAL éditeur de Voyage & Technologies reprend dans son dernier numéro une information diffusée par Air Transport World (ARW)  selon laquelle 6 compagnies aériennes cherchaient à élaborer un standard.

“A la recherche de nouveaux standards techniques pour le monde aérien et ses services annexes, Open AXIS, fondée par six compagnies nord-américaines qu’ont déjà rejointes plusieurs sociétés technologiques importantes, a signé un Memorandum Of Understanding avec Open Travel Alliance, qui poursuit des buts assez similaires (cf . Voyage & technologies# 7). Au terme de ce accord, les deux groupes ont décidé d’aligner leurs standards respectifs les uns sur les autres : certains commentateurs, optimistes, voient dans cet accord la fin d’une querelle stérile et l’espoir de voir s’imposer des standards de communication communs à toute l’industrie. [ ATW]”

Je crois en effet que l’enjeu du e-Tourisme au cours des prochaines années, pour ne pas parler de mois, sera l’adoption par le plus grand nombre possible d’acteurs d’un standard XML pour faciliter et automatiser les échanges. Pour avoir contribué à l’élaboration des standards de l’industrie high-tech dans le cadre du consortium Rosettanet maintenant géré par GS1 bien connu dans le monde de la distribution pour ses codes barres, l’élaboration d’un standard passe par la modélisation des processus pour pouvoir ensuite définir le vocabulaire XML (Schema et DTD) qui seront appliqués. Cela n’est possible qu’avec une forte implication des états, des fournisseurs de logiciels, ici je pense aux PMS (1) et bien entendu des principaux acteurs du secteurs. Dans une seconde phase, ou en même temps, les PME de l’industrie devront acquérir les connaissances et ensuite les outils qui leur permettront de continuer à avoir accès aux réseaux de distribution en ligne. Ceux qui n’auront pas cette agilité devront affronter encore plus de difficultés.

Jean-Claude Morand – 22/9/2010

 

(1) Property Management systems

(C) Jean-Claude MORAND

Pour un pôle de compétitivité "Tourisme"

15/7/09 – Dans une interview de Remi CHARMETANT Directeur de Savoie Mont-Blanc, du 5 juillet celui-ci évoque la création d’un pôle de compétitivité « Tourisme ». Je défends avec mes faibles moyens d’expert cette idée depuis plusieurs années. Conjointement avec Cécile ALVERGNAT – Secrétaire Générale du Réseau des Echangeurs – nous avions même envisagé la création d’une antenne spécialisée sur le Tourisme. Un projet similaire avait été imaginé en région PACA sous l’impulsion d’IBM. Le CNAM utilise en ce moment toute sa force de lobbying parisienne pour se positionner sur ce thème avec un projet d’ Institut Français du Tourisme.

Alors, même si la création de nouveaux pôles de compétitivité est gélée pour les trois prochaines années (2009-2011) il n’en reste pas moins vrai que 1,5 milliard d’euros sont affectés par le Gouvernement pour les pôles de compétitivité durant cette période. Alors pourquoi pas un 72ème pôle pour le tourisme ou la refonte d’un pôle existant ? Je supporte entièrement l’idée d’un pôle de compétitivité « Tourisme » qui pourrait s’appuyer sur les fédérations professionnelles (SNTF, SNMSF, Associations de stations et d’hôteliers, FNOTSI) mais aussi de grands acteurs comme la Compagnie du Mont-Blanc, la Compagnie des Alpes ou le groupe Accor qui supporte à la fois l’Institut Français du Tourisme et l’Ecole Hôtelière de Lausanne. La présence de 3 grandes écoles hôtelières (Glion, Les Roches, EHL) du top 10 mondial à moins d’une heure de route d’Annecy est aussi une opportunité qui pourrait donner une vraie dimension internationale à ce pôle de compétitivité tout en lui procurant des financements européens. AMADEUS et GALILEO, les leaders des systèmes GDS européens pourraient aussi participer à cette aventure pour le grand bien des étudiants du Master Tourisme de Chambéry qui en fin de scolarité ne sont exposé à aucun de ces systèmes de réservation. Que dire alors de la connaissance des standards XML internationaux tel que ceux promus par l’Open Travel Alliance (OTA) trop occultés par les approches franco-françaises voir régionales de l’XFT ou SITRA même si ce dernier développe maintenant des accords avec les grands du voyage en ligne comme Tripadvisor.

J’ajoute que cela pourrait être une motivation supplémentaire pour intensifier l’action d’un incubateur comme GRAIN pour stimuler la recherche en ce domaine à l’Université de Savoie et/ou à l’ESC de Chambéry. Par ailleurs, les structures de financement comme Léman Angels et Savoie Angels pourraient être des partenaires financiers d’un Pôle de compétitivité « Tourisme » comme ils le sont pour SPORALTEC ou TERNERRDIS afin d’apporter les fonds propres et les conseils aux nombreux créateurs d’entreprises qui souhaitent se lancer dans ce secteur.

A l’heure ou le marché anglais s’effondre à l’image de la monnaie de ce pays, tous les yeux des opérateurs sont tournés vers les pays émergeants que sont l’Inde, la Chine, ou encore les pays du Moyen-Orient. Tous les processus et approches actuelles sont remis en cause avec l’arrivée de ces nouveaux clients. Des produits qu’il est nécessaire d’adapter, aux employés qui ne peuvent plus se contenter de parler une langue européenne pour satisfaire le chaland en passant par les canaux de communication et de ventes qui ne sont plus du tout les mêmes. Tout est à reconsidérer ! Le conseil scientifique d’un tel pôle de compétitivité serait alors un excellent conseil pour les élus. Par exemple dans le domaine des technologie (Je réagi, ici à une information qui reste à vérifier selon laquelle le département de la Haute-Savoie aurait récemment opté pour une infrastructure de réseau basé sur des liaisons « cuivre » en lieu et place de la fibre optique plus onéreuse à installer mais bien plus performante) est la marque d’une méconnaissance de la manière dont on peut rentabiliser de tels investissements car l’industrie touristique est fortement consommatrice de bande passante. Les vidéos, les images, l’accès aux bases de données à distance sont les outils de promotion d’aujourd’hui. Les clients arrivent de plus en plus souvent avec leur PC dans leurs bagages pour rester connecté avec leur monde à nous de leur offrir des vitesse de transmission identiques à celles qu’ils connaissent dans leur environnement.

Un pôle de compétitivité est un fantastique outil pour décloisonner les acteurs de cette industrie comme le déclarait Jean-Jacques DESCAMPS – Co-Président de l’IFT lors d’une session dédiée à la recherche dans ce secteur industriel : « les changements économiques, technologiques et culturels qui touchent toutes les activités du tourisme exigent plus que jamais la professionnalisation et l’internationalisation de ses métiers et l’excellence de ses entreprises » – point de vue que je reprenais dans un billet dédié à la recherche en tourisme. Positionner cet outil dans les Pays de Savoie en recherchant des synergies avec nos voisins suisses et italiens qui sont confrontés aux mêmes défis est une opportunité non seulement pour les acteurs locaux, mais pour l’ensemble de l’industrie touristique.

Il est évident que la dynamique générée par un pôle de compétitivité est un atout pour innover et ainsi maintenir et créer les emplois de demain quelques soit les évolutions climatiques ou économiques même si le Tourisme représente que ~12% du PIB des Savoie et 6,2% de celui de la France.

Jean-Claude MORAND – 15 juillet 2009

Mots clés Technorati : Pôle de compétitivité,Annecy,Haute-Savoie,Savoie,SPORALTEC, Ternerrdis, Savoie-Angels
(C) Jean-Claude MORAND

Comment financer les programmes et les équipes ?

7/6/09 – Troisième et avant dernier billet pour vous présenter les résultats du 1er grand débat de l’IFT qui s’est tenu au CNAM (Paris) le 28 mai. Dans mon précédent billet, j’ai évoqué les approches proposées par l’Institut Français du Tourisme (IFT) pour hiérarchiser la recherche. Aujourd’hui, je vous invite à découvrir les propositions faites pour « financer les programmes et les équipes » de recherche en tourisme, en rappelant que le texte officiel est disponible sur le site de l’IFT.

Ce sujet n’a été traité que très rapidement et la fiche remise aux participants est un bref inventaire de ce que tous les laboratoires de recherche universitaires connaissent dans ce domaine. Le groupe de travail qui a planché sur ce thème déclare que « plusieurs constats s’imposent : il n’existe pas France de programme direct de financement de la recherche en tourisme, mais beaucoup de ceux existants sont applicables au tourisme. Aucune cartographie de l’existant et des potentiels n’est disponible, pas plus que d’un recensement exhaustif des différentes règles et de l’ensemble des financements (ADEME,, PREDIT, schémas régionaux de l’innovation, etc.) ». Il est ensuite proposé de créer une plateforme du financement des recherches qui pourrait être l’interface de référence des appels d’offres.

J’observe que le financement privé n’apparait pas dans ce catalogue, alors que la plupart des appels d’offres requièrent que les participants privés appondent au projet une contribution égale à celle du publique. Pour avoir récemment soumis un dossier au concours pour la création d’entreprises de technologies innovantes avec un projet lié au tourisme, je ne peux que souscrire à la création d’une entité de soutien pour répondre aux appels d’offres lié à l’industrie touristique. En ce domaine, il me semblerait plus judicieux d’avoir une structure très légère, au sein d’ATOUT France (ex-ODIT) ou d’OSEO, qui pourrait intervenir comme expert « tourisme » pour les projets couvrant ce sujet.

Par ailleurs, pour enseigner de temps en temps en Suisse les grandes écoles de ce pays ont un volet recherche en tourisme qui commence à être porteur de projets intéressants en tourisme avec une aura internationale, ceci aussi bien à l’Ecole hôtelière de Lausanne que de la Haute Ecole Valaisanne qui héberge l’Institut Suisse du Tourisme. Notons aussi que ce dernier gère avec l’IMUS (Université de Savoie) un Master en tourisme. A l’heure où les bureaux de votes viennent de fermer leurs portes des élections européennes, mon activité transfrontalière me permet aussi à la vue de ce dernier exemple de proposer un rapprochement plus marqué avec les pays frontaliers ce qui permet aussi de trouver des financements européens en plus des synergies avec nos amis italiens, suisses, allemand, espagnol…

(C) Jean-Claude MORAND

Quelle stratégie pour la recherche et l’innovation en Tourisme ?

Hier (le 27/5/09), j’ai écouté les résultats de 3 groupes de travail constitués par les initiateurs de l’Institut Français du Tourisme (IFT) sous l’égide du CNAM. Hervé NOVELLI introduisait ce « débat » en saluant l’originalité de la démarche qui se veut un pré-organisationnelle avant de créer une structure qui se donne pour objectif de créer « un réseau de pôle d’excellence à vocation internationale pour la recherche, la formation et l’innovation dans le tourisme. ». Jean-Jacques DESCAMPS – Co-Président de l’IFT soulignait combien « les changements économiques, technologiques et culturels qui touchent toutes les activités du tourisme exigent plus que jamais la professionnalisation et l’internationalisation de ses métiers et l’excellence de ses entreprises » – point de vue également renforcé par Paul DUBRULE (Accor) également Co-Président de l’IFT – et ses territoires. Ces deux personnalités utilisent contribuent aux actions de lobbying pour proposer leur savoir faire en matière de formation et de recherche à la nouvelle organisation « Atout France », issue de la fusion entre ODIT et la Maison de la France.

Ce premier « débat » qui en en fait été plus une série de présentations qu’un réel débat… (mais que pouvions-nous espérer avec 250 participants ? ) abordait 3 thèmes :

1. Comment décloisonner les disciplines et les acteurs ?

2. Peut-on hiérarchiser les priorités de recherches ?

3. Comment financer la recherche et l’innovation au sein de l’industrie touristique ?

Si vous n’avez pas assisté à ce 1er débat, vous trouverez le dossier participant sur le site de l’IFT avec la présentation Powerpoint utilisée par les intervenants ; ces documents vous donneront le point de vue officiel de cette manifestation et la suite de ce billet mes observations et ressentiment sur ce que j’ai entendu.

Comment décloisonner les disciplines et les acteurs ?

L’industrie touristique est très largement atomisée alors qu’elle représente un peu plus de 6% du PIB de notre pays soit presque le double de celui de l’industrie automobile dont on parle beaucoup en ce moment, les acteurs ne sont pas réellement en mesure de faire entendre leur voix. Les intervenants ont précisé, un peu trop timidement à mon goût, que les touristes avaient décloisonné leurs approches depuis longtemps. Bien que les nouvelles technologies aient été mentionnées comme un moyen d’apprendre et de s’enrichir, elles ne l’ont pas été envisagées pendant le débat sous l’angle des nouvelles interfaces avec le produit « France ». Petra FRIEDMANN DG d’OPODO était pourtant bien là mais son témoignage a été concentré sur une présentation de l’analyse du comportement des internautes que publie son entreprise. Deux types de décloisonnement (endogène et exogène) ont été abordés dans la limite d’un temps trop restreint pour que l’on puisse vraiment apprécier les opportunités de ces réflexions. Les travaux futurs de l’IFT concluront peut-être que la récurrence des visions anticipatrices émises par la multiplicité des acteurs évoquée plus haut est une sérieuse limite à toute stratégie. Et honnêtement, sur le plan de l’approche intellectuelle d’un groupe d’acteurs qui se veut fédérateur, je ne comprends pas pourquoi une segmentation de type exogène serait considérée à ce stade. Cela reviendrait à exclure certains acteurs de la réflexion ! Idée qui n’est certainement pas le dessein des fondateurs de l’IFT. En revanche, j’observe que de nouveaux acteurs avec des moyens en capitaux énormes arrivent mieux que les acteurs traditionnels à articuler et mettre en œuvre une vision novatrice du tourisme. Les groupes hôteliers ont su trouver les moyens humains, logistiques et financiers pour intégrer de nombreux éléments de la chaine de valeur de fabrication des produits touristiques. Et depuis, quelques années, les nouveaux distributeurs que sont les agences de voyages en ligne (OTA) et sites d’évaluation, EXPEDIA en tête, intègrent verticalement de plus en plus de phases de cette même de valeur. Il s’agit en particulier de la génération de l’information sur ce que nous appelons en France les territoires, l’évaluation des services, la communication, la réservation et phénomène nouveau les aspects sociaux liés au voyage (gestion des communautés de voyageurs).

Mon prochain billet sera consacré au 2ème thème : comment peut-on hiérarchiser les priorités de la recherche ?

(C) Jean-Claude MORAND